Lire aussi > Débat. Faut-il aller vers un régime de retraite par capitalisation ?
Le système actuel repose en partie sur le ratio nombre d’actifs/nombre de retraités. Concrètement, si le nombre de retraités devient trop élevé, il n’y aura pas assez d’actifs pour financer leurs pensions. En 2019, en France, il y a 1,7 actif (cotisant) par retraité contre 2,5 dans les années 1970. De cette baisse du ratio résulte logiquement une augmentation de l’effort de financement des actifs.
L’État français a dépensé environ 325 milliards d’euros en 2020, pour les pensions de retraite (soit 14,3 % du PIB). Les dépenses d’assurance vieillesse ont affiché un déficit record en 2020, à hauteur de 13 milliards d’euros (soit 0,6 % du PIB français). Un déficit qui est dû à une baisse des recettes. Lors de la crise sanitaire, les cotisations ont fortement baissé, le chômage partiel n’étant pas soumis aux cotisations.
Pendant la campagne présidentielle, le système actuel semblait, pour nombre de candidats, trop déséquilibré et sa pérennité serait en jeu. Emmanuel Macron, Valérie Pécresse ou encore Éric Zemmour jugeaient ainsi qu’il faudrait augmenter l’âge légal pour éviter l’effondrement du système des retraites.
Pas de problèmes de financement
Or, « ce qu’il faut avoir en tête, c’est que le projet de retraite à 65 ans, ce n’est pas une réponse à un problème financier », répond Michaël Zemmour, économiste et professeur d’économie à l’université Paris I. Selon lui, le système actuel n’est pas en péril.
Lire aussi > Retraites : existe-t-il un système magique dans le monde ?
Les dépenses consacrées aux retraites sont en effet stables depuis 20 ans (entre 13 et 14 % du PIB), et vont même diminuer dans les années à venir. Dans les scénarios du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), le système sera en déficit jusqu’en 2030 et ces déficits ne dépasseront pas 0,6 % du PIB, soit environ 10 milliards d’euros par an.

Source : Conseil d’orientation des retraites
Toujours selon le COR, le système reviendrait à l’équilibre d’ici à 2070. La démographie ainsi que les réformes passées expliquent ce rééquilibrage. Les individus nés lors du baby-boom d’après la Seconde guerre mondiale, qui contribuent grandement au déficit actuel, ne seront plus là. Il faudra également cotiser 43 annuités au lieu des 40 auparavant (réforme Touraine de 2014), ce qui réduira la pression sur le système des retraites.
Qui plus est, l’État français possède une réserve spéciale pour les retraites de 150 milliards d’euros. Cela représente environ une demi-année de ce que l’État verse pour les retraites. « L’exécutif peut très bien utiliser cet argent pour pallier les déficits jusqu’en 2030, date qui sera le pic des déficits attendus », selon l’enseignant de l’université Paris I. Au vu de ces chiffres, l’argument énoncé par Emmanuel Macron, selon lequel l’allongement de la durée de vie justifierait un report de l’âge légal à la retraite et qu’il provoquerait « un déséquilibre du financement » apparaît fragile.
Un argument pour baisser les dépenses publiques ?
Alors pourquoi évoquer cette réforme ? « La volonté de baisser les dépenses publiques, suggère Michaël Zemmour. Un enjeu de faire des réformes structurelles (ce que l’on retrouve dans le discours de Bruno Le Maire). Ainsi, si vous voulez baisser les dépenses publiques, les retraites représentent un gros morceau. »
Lire aussi > Les retraités sont-ils moins bien lotis que les actifs ? En moyenne, c’est faux !
Et l’économiste de conclure : « Il n’y a pas besoin de choc, et certainement pas d’un choc aussi fort. Même si on voulait mettre le système à l’équilibre, ça ne serait pas avec la retraite à 65 ans. Ce serait beaucoup moins. D’autres options seraient possibles : jouer sur le montant des pensions ou sur le taux de cotisations. »
Cela pose aussi des questions de justice sociale, car « s’appuyer sur l’âge de départ en retraite, c’est concentrer tous les efforts sur les quinquas et plus. Peu de monde en somme. Et de ce point de vue là, c’est assez dur comme réforme ».