Initialement avancée comme plus juste pour les femmes, la réforme du recul de l’âge de départ à la retraite risque bien d’aggraver le sort des femmes. C’est en tout cas ce qu’affirme l’étude d’impact de la réforme des retraites : elles devront davantage fournir de trimestres supplémentaires si elles veulent prétendre au même niveau de pension qu’aujourd’hui, déjà 40 % inférieur à celui des hommes.
Voir aussi > Les vrais chiffres de l'inégalité salariale entre femmes et hommes
Des pensions plus faibles
Si les femmes bénéficient d’une espérance de vie supérieure à celle des hommes (environ 6 ans en 2022), c’est une bien maigre consolation au regard des inégalités face au système de retraite.
D’après une récentes étude de la Drees, les femmes résidents en France perçoivent, en 2020, une pension de retraite moyenne de 1 154 euros brut contre 1931 pour les hommes, soit une différence de 40 %. Lorsque l’on prend en compte le versement des pensions de réversion que certaines femmes perçoivent lorsque leur conjoint décède et la majoration pour enfants ce chiffre tombe à 28 %.
Toujours d’après cette étude, les femmes sont aussi plus nombreuses à percevoir un minima de pension (minimum de pension si le départ à la retraite se fait au taux plein). Ainsi, près de cinq femmes retraitées sur dix perçoivent 652 euros alors que ce n’est le cas que de trois hommes sur dix.
Enfin, au-delà de la pension de retraite, certaines personnes peuvent bénéficier du minimum vieillesse en cas de faibles revenus. Près des trois quarts des bénéficiaires sont des personnes seules, parmi lesquelles sept sur dix sont des femmes.
Mais les inégalités ne se limitent pas aux montants des pensions. Pour faire valoir ses droits à la retraite, il est nécessaire d’atteindre un âge minimum et de valider un certain nombre de trimestres de cotisation. Les femmes liquident leurs droits plus tardivement que les hommes et partent en retraite, en moyenne, à 62,7 ans contre 62 ans pour les hommes.
Inégalités dans les parcours professionnels
Certes, tout n’est pas si sombre car sous l’effet de l’augmentation du taux d’activité des femmes depuis la seconde guerre mondiale et du fait qu’elles soient plus diplômées qu’auparavant, les écarts de pension ont eu tendance à se réduire…mais lentement.
Pour comprendre l’existence et la persistance de ces inégalités, il est d’abord nécessaire d’avoir en tête le mode de calcul des pensions de retraite : dans notre système, les droits sont étroitement liés à l’activité professionnelle et les pensions de retraites sont proportionnelles aux niveaux de salaires.
Ainsi, ce sont d’abord les inégalités de salaire qui expliquent les inégalités de pensions. Selon l’INSEE, en 2019, le salaire des femmes est en moyenne 22 % inférieur à celui des hommes. Près de deux tiers de cet écart s’explique par la « ségrégation professionnelle » c’est-à-dire la différence de postes occupés. En effet, les femmes représentent la majorité des employés et des professions intermédiaires.
Lire aussi > Genre et métier : la ségrégation perdure entre homme et femme
Accéder aux 5% des emplois les mieux rémunérés est deux fois moins probables pour une femme que pour un homme. Cela semble paradoxal lorsque l’on sait que les femmes sont en moyenne plus diplômées que les hommes. Seulement, les filles se dirigent massivement vers les filières sociales et littéraires qui débouchent vers des métiers moins rémunérateurs.
Aussi, pour Marie Duru-Bella (2004), les filles vont, dès l’entrée dans les études supérieures, anticiper leur futur rôle de mère et s’orienter vers des professions qui seront davantage compatibles avec leur future vie de famille. De fait, elles se détournent des professions prestigieuses, prenantes et les plus rémunératrices. Un comportement que n’adoptent pas les garçons.
Lire aussi > Comment le genre influence les vocations professionnelles
Les femmes occupent aussi plus souvent des emplois précaires et risquent plus souvent de connaitre des périodes de chômage ou d’inactivité que les hommes. Mais ce qui fait la particularité de l’activité des femmes est le fait qu’elles occupent davantage des emplois à temps partiel. En 2020, près de 80 % des travailleurs exerçant à temps partiel sont des femmes, ce qui n’est pas sans conséquence sur leur retraite.
L’arrivée d’un enfant, facteur aggravant pour la carrière des femmes
Ces carrières hachées et le recours plus massif au temps partiel mettent en évidence que ce sont encore très souvent les femmes qui adaptent leur activité professionnelle à leur vie familiale. Le modèle du couple composé d’un homme subvenant financièrement à la famille et la femme responsable de la bonne tenue du foyer est loin d’avoir disparu.
Lire aussi > Plafond de verre : à la naissance de l'enfant, la carrière de maman patine
D’après les estimations de l’INSEE, l’arrivée d’un enfant entraînerait une perte de 25 % du salaires des femmes durant les cinq années suivant la naissance de leur enfant. Et pour les travailleuses les moins qualifiées, la situation se détériore encore plus : leur revenu diminue de 40 %.
À l’inverse, aucun scénario ne montre que le revenu des pères connaisse de telle diminution. Exception faite pour les hommes les mieux rémunérés qui voient leur revenu…augmenter !
Et ce constat se vérifie à chaque nouvelle naissance : des pertes de même ordre de grandeur, voir plus importantes, s’observent également à l’occasion d’un deuxième ou troisième enfant. Antoine Math (2014) soutient que la maternité est un des fondements des inégalités entre les hommes et les femmes et il estime que les coûts indirects des enfants pour les femmes (perte de carrière, de revenus et de retraite) s’élèvent à près de 55 milliards d’euros.
Lire aussi > Inégalités salariales : les racines profondes de la « pénalité maternelle »