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Si l’inflation revenait… Ce serait grave ?
Politique économique
Si l’inflation revenait… Ce serait grave ?
L’augmentation des prix aux États-Unis comme en Europe signerait la fin de l’argent facile orchestré par les banques centrales et ne ferait pas leurs affaires. Mais quid des salariés ? Quid des petits épargnants ? Doivent-ils eux aussi redouter la valse des étiquettes ? Débat.
Pages animées par Frank Dedieu, professeur d’économie à l’IPAG Business School
© DR
Qui serait les perdants et les gagnants d’un retour de l’inflation ? Serait-ce une mauvaise nouvelle pour l’économie ? Deux étudiants en débattent et présentent les arguments à charge et à décharge.
Ce débat est un exercice rhétorique et ne représente pas nécessairement les opinions des participants et participantes.
Oui !
Flavius Minciuna, Étudiant 1re année IPAG Business School
Un ancien patron de la Banque centrale allemande, Karl Otto Pöhl, comparait l’inflation au dentifrice : facile à faire sortir du tube mais impossible de le faire rentrer. Il faut absolument éviter ce fléau.
Pour une raison assez mécanique et franchement simple à comprendre : la hausse des prix réduit le pouvoir d’achat des ménages. Avec une somme d’argent équivalente d’un mois sur l’autre ou d’une année sur l’autre, le consommateur peut se payer moins de produits s’ils augmentent dans l’intervalle de temps.
Les économistes parlent d’érosion monétaire. L’inflation érode la valeur réelle de son argent comme l’eau ronge la roche au fil des marées.
Les épargnants des années 1970 peuvent en parler, quand l’inflation grignotait leur bas de laine. Pour la seule année 1974, le niveau général des prix a bondi de 13,7 %.
Dans ces conditions, on comprend pourquoi les investisseurs internationaux comme les petits épargnants ne font plus confiance à une monnaie sans cesse dévalorisée.
Et l’État éprouve toutes les peines du monde à trouver des ressources pour financer ses projets d’infrastructures et plus généralement ses services publics.
Le seul moyen de se procurer de l’argent frais consiste à accepter une hausse des taux d’intérêt. Les marchés prêtent alors leur argent, mais réclament en échange une rémunération élevée pour compenser l’érosion monétaire attendue.
Pas besoin de pousser très loin la réflexion pour imaginer la suite : quand le loyer de l’argent augmente, les entrepreneurs renoncent à investir, donc à créer de la richesse et avec elle des emplois. L’économie stagne. Les économistes parlent de stagflation.
Peu réjouissant. Bref, attention à l’inflation !
Éco-mots
Stagflation
Contraction de deux termes « stagnation » et « inflation » pour désigner une période où se conjuguent une faible croissance économique et une forte hausse des prix. Le premier à avoir utilisé ce néologisme s’appelle Iain MacLeod, le chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances) britannique, au milieu des années soixante, quand l’Europe continentale vivait encore sous l’âge d’or des Trente Glorieuses (1945-1973).
Mais non !
Samuel Besnard, Étudiant 1re année IPAG Business School (au moment de la parution dans le magazine).
La France et plus généralement la zone euro sortent d’une période de stabilité absolue des prix. Entre 0 et 1 % depuis 2013. Le produit intérieur brut (PIB) a-t-il bondi pour autant ? Pas du tout.
Le taux de croissance moyen de 2013 à 2016 s’établit à un petit « + 0,9 % » en France. Et, encore, ce supplément de richesse vient-il d’une intervention forte de l’État à travers les dépenses publiques pour « tenir » à bout de bras ce modeste niveau.
Certes, l’inflation entame le pouvoir d’achat des épargnants mais, symétriquement, elle allège le passif des endettés, l’ardoise des débiteurs. Dans les années soixante-dix, des ménages endettés finissaient par rembourser leurs prêts immobiliers en « queues de cerises ».
Une dette contractée en 1970 équivalait – en valeur réelle – à moitié moins une décennie plus tard. Nos parents et grands-parents remboursèrent leurs crédits immobiliers plus facilement.
Aujourd’hui, non seulement les jeunes doivent payer très cher leur bien immobilier mais, en plus, le poids de leur remboursement reste quasiment constant au fil du temps à cause de la stabilité des prix.
Ce désagrément vaut d’ailleurs aussi pour les États très endettés pour lesquels un peu d’inflation constituerait une bouffée d’oxygène bienvenue.
Plus généralement, cette exigence de stabilité des prix constitue le point cardinal de la zone euro, instituée par le traité de Maastricht.
Au nom de la stabilité, la Banque centrale européenne doit veiller à tenir l’objectif de 2 % d’inflation.
2 %
Instituée par l’Union économique et monétaire en 1998, la Banque centrale européenne poursuit comme but premier la stabilité des prix. Elle veille à ne pas dépasser le niveau de 2 % annuel. Un des critères de convergence contenus dans le traité de Maastricht impose d’ailleurs aux États de ne pas dépasser un maximum d’inflation : pas plus que 1,5 point par rapport aux trois États les plus vertueux de la zone. Si ensemble ils affichent un taux de 0,5 %, l’État ne pourra pas dépasser 2 % (0,5 + 1,5).
Cette contrainte étreint les ménages comme les États, et sous prétexte de garantir le pouvoir d’achat des épargnants, elle ne profite pas à la croissance économique et, au final, à l’emploi. Au fond, comme le suggérait l’économiste Phillips, il faut choisir entre l’inflation et l’emploi.
Éco-mots
Courbe de Phillips
L’économiste néo-zélandais William Phillips découvre en 1958 une relation négative entre l’inflation et le chômage. Quand le chômage menace les salariés, ces derniers ne peuvent pas facilement obtenir des hausses de salaires et, par extension, le niveau général des prix – donc l’inflation – n’augmente pas. Quand une pénurie sur le marché du travail apparaît, les salariés se retrouvent en situation de force pour demander des augmentations. Les entreprises répercutent alors la hausse des rémunérations dans leur prix de vente et l’inflation apparaît.
Éco-date : 1974
Effet du choc pétrolier un an plus tôt, le taux d’inflation atteint 13,7 %. Au cours de la décennie soixante-dix, les prix feront plus que doubler (+ 126 %).
Pour ne pas perdre de pouvoir d’achat, les salariés négocient par l’entremise des syndicats des augmentations de salaire indexées sur les prix. La boucle « prix-salaires » entretient la poursuite de l’inflation.