L’essentiel
- Les médecins libéraux en France ont entamé une grève en fin d’année 2022, et réclament, pour certains, le doublement du tarif de la consultation, de 25 à 50 euros.
- Cela pourrait aggraver le non-recours aux soins, surtout pour les personnes disposant des revenus les plus faibles.
- Le prix n’est pourtant pas le seul phénomène en jeu dans le renoncement au soin.
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Lancée fin décembre 2022, la grève des médecins libéraux est reconduite en ce début d’année. Parmi les revendications phares figure le doublement du tarif de la consultation: de 25 euros (actuellement) à 50 euros.
Si une telle mesure était effective, elle signifierait certes une hausse de revenu pour les praticiens, mais aussi une augmentation du reste à charge pour les ménages. Dans un contexte où la fréquentation des médecins diminue ces dernières années en France – passant de 6,7 consultations par an, en moyenne en 2009, à 4,95 en 2020 – une augmentation du tarif ne risque-t-elle pas d’accentuer le non-recours aux soins ? Pour l’Éco fait le point en trois questions.
L’essentiel
- Les médecins libéraux en France ont entamé une grève en fin d’année 2022, et réclament, pour certains, le doublement du tarif de la consultation, de 25 à 50 euros.
- Cela pourrait aggraver le non-recours aux soins, surtout pour les personnes disposant des revenus les plus faibles.
- Le prix n’est pourtant pas le seul phénomène en jeu dans le renoncement au soin.
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Lancée fin décembre 2022, la grève des médecins libéraux est reconduite en ce début d’année. Parmi les revendications phares figure le doublement du tarif de la consultation: de 25 euros (actuellement) à 50 euros.
Si une telle mesure était effective, elle signifierait certes une hausse de revenu pour les praticiens, mais aussi une augmentation du reste à charge pour les ménages. Dans un contexte où la fréquentation des médecins diminue ces dernières années en France – passant de 6,7 consultations par an, en moyenne en 2009, à 4,95 en 2020 – une augmentation du tarif ne risque-t-elle pas d’accentuer le non-recours aux soins ? Pour l’Éco fait le point en trois questions.
Qui renonce à quels soins ?
En France, les dépenses de santé sont en grande partie couvertes par la Sécurité sociale et par les organismes complémentaires. Selon la DREES, en 2021, la Sécurité sociale remboursait en moyenne 79,8 % du coût d’un soin, tandis que les complémentaires en remboursaient 12,9 % laissant 7,3 % du coût à la charge des ménages.
Récemment, l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), associé à l’université Grenoble-Alpes, mettait en évidence que près d’un quart des personnes interrogées affirmait avoir renoncé à des soins médicaux. Ce renoncement aux soins touchait avant tout les personnes disposant des revenus les plus faibles ou qui avaient un pouvoir d’achat en baisse.
Par ailleurs, les études d’économie de la santé montrent que ce sont les personnes ayant une moindre couverture qui renoncent le plus aux soins.
Les soins qui faisaient le plus l’objet de renoncement étaient les soins dentaires (38,4 %), les consultations de spécialistes (35,6 %) et l’optique (19,3 %).
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Reste à charge
Montant de la consommation de soins et de biens médicaux directement financé par les ménages après l’intervention de l’Assurance maladie et des organismes complémentaires.
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Des motivations extra-financières aussi
Bien que les motifs de renoncement aux soins soient multiples, c’est bien l’aspect pécuniaire qui est le plus régulièrement cité dans les études comme étant le frein le plus important.
Concrètement, sur une dépense moyenne de presque 3 350 euros, un ménage français n’en supporte directement que 244 euros, soit 1 % de leur revenu disponible – un des taux les plus faibles des pays de l’OCDE. Mais ce reste à charge varie selon le type de soin : il est très faible sur les soins hospitaliers, représente près de 40,7 % des dépenses d’audioprothèses et 24,1 % des dépenses d’optique.
Toujours selon l’Observatoire du non-recours aux droits et services, 60 % des personnes déclarant avoir renoncé à un ou plusieurs soins évoquent un reste à charge trop élevé, 30,9 % avancent comme raison l’avance des frais et 11,5 % évoquent l’incertitude sur le coût réel des soins. On pourrait penser que, mécaniquement, les plus pauvres renonceraient davantage aux soins.
Élasticité prix
Indicateur qui mesure la sensibilité de la demande d’un bien ou service à une variation de son prix. Plus précisément, l’élasticité prix mesure l’effet qu’a une variation du prix d’un bien ou service sur la quantité demandée de ce bien ou service. Dans le cas d’une augmentation des coûts de la consultation chez le médecin, si l’élasticité prix est faible, cela veut dire que même en cas de hausse du coût de la consultation, la quantité de visites ne diminuerait pas beaucoup. À l’inverse, si l’élasticité prix est élevée, cela signifierait que lorsque les coûts de la consultation augmentent, la quantité de consultations demandées diminue plus fortement. C’est le principal risque induit par cette revendication, en particulier pour les patients les plus précaires.
Mais les raisons sont plus subtiles. Des mesures publiques ont déjà été mises en place pour réduire le renoncement pour raisons financières de cette population : la CMU-C pour les plus démunis, l’Aide à la complémentaire santé, créée en 2005, ou le Tiers payant. Pour autant, une complémentaire santé ne protège pas totalement contre le renoncement aux soins ou plutôt contre le renoncement à certains types de soins pour lesquels les restes à charge sont particulièrement élevés.
Au-delà de l’aspect financier, d’autres facteurs peuvent expliquer le renoncement et il ne faut pas essayer de tracer une frontière nette entre explications économiques et explications sociologiques car ces dernières se cumulent. Dans sa thèse de 2018, Héléna Revil explique que la mauvaise qualité de l'offre de santé peut être un facteur de renoncement renforçant la difficulté financière.
Par exemple, pour les personnes modestes, les délais pour avoir un rendez-vous avec un professionnel de santé compliquent la planification financière des soins ou bien l’éloignement géographique rend plus dificile de connaître le coût réel d’un soin, d’autant que c’est au cours du rendez-vous que le patient s’autorise à aborder les questions financières. Des problèmes liés aux individus (rapport personnel à la santé et au corps, possibilité de se tourner vers d’autres thérapies, difficultés de se repérer dans le système de santé) peuvent aussi entraver l’accès aux soins.
Pas tous égaux face à la santé
Les études sociologiques se sont très tôt intéressées à la santé et à la maladie : le fait que filles et garçons ne vont pas, dès leur plus jeune âge, être socialisés de la même façon, va influencer l’attention qu’ils (elles) portent à leur corps et leur analyse quant à la survenue d’une maladie.
Socialisation
Processus par lequel la société ou un groupe social transmet ses valeurs et ses normes à ses membres, depuis l’enfance et tout au long de la vie. Ce processus se traduit par l’intériorisation c’est-à-dire l’appropriation, par les individus, de la culture de sa société ou de son groupe.
Le milieu social d’origine peut également jouer. Par exemple, la résistance physique est valorisée dans les milieux populaires qui exercent des métiers plus éprouvants, où il faut tenir bon : une attitude que l’on retrouve notamment chez les agriculteurs. Et puis tous les individus ne disposent pas du même niveau de connaissances médicales, ni du même niveau d’information en matière de prévention et de soins. Autant d’explications qui nous éclairent sur les raisons de ne pas se faire soigner.
Dans le programme de SES
Première. « Comment l’assurance et la protection sociale contribuent-elles à la gestion des risques dans les sociétés développées ? »
Première. « Comment la socialisation contribue-t-elle à expliquer les différences de comportement des individus ? »