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Technicien en maintenance prédictive, un job d'avenir dans l'industrie 

Selon le cabinet McKinsey, la maintenance prédictive fera économiser aux industries plus de 550 milliards d’euros d’ici à 2025 à travers le monde, car elle permet de réduire les arrêts de production. Conséquence : les recrutements de techniciens en maintenance prédictive explosent.

Lucile Chevalier
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Illustration de l'article Technicien en maintenance prédictive, un job d'avenir dans l'industrie 

© Getty Images/iStockphoto

Le 1er juillet 2019, les neuf salariés de l’usine CFT Industrie à Saint-Lubin-de-la-Haye (Eure-et-Loir), se sont réunis pour préparer l’avenir. Ce type de séminaire baptisé « Vision 2025 » a lieu chaque année au début de l’été. « Nous décidons des chantiers que nous allons mettre en place pour assurer la pérennité de notre usine », explique Élisabeth Klein, la dirigeante.

L’été dernier donc, le sujet sur toutes les lèvres était celui de la maintenance prédictive. Il faut dire qu’un mois plus tôt, un technicien était venu faire un audit de l’état des machines-robots qui assistent les opérateurs dans la fabrication de chariots, de pièces pour les automobiles ou pour les tondeuses, et de chaises métalliques. Les conclusions de l’audit étaient alarmantes. Certaines machines ont 15 ans. Quinze années passées à produire cinq jours sur sept, cela use et le risque d’une grosse panne avec toutes les complications et coûts que cela engendre, grandit.

Car quand il y a panne, la machine s’arrête et la production aussi. Il faut alors démonter le robot pour repérer la pièce à changer. La commander, l’attendre parfois trois semaines. Puis, payer des pénalités de retard aux clients mécontents qui ne sont pas livrés à l’heure. Mais il y a pire : les dommages sont trop importants, la machine bonne pour la casse doit être remplacée.

Pour prendre un exemple, une machine-robot à cintrer le fil coûte entre 250 000 et 300 000 euros. Inenvisageable pour la petite usine qui a décidé, le 1er juillet dernier, qu’il valait mieux prévenir que guérir. Dans le courant de l’année, la machine qui produit les grosses têtes de clou, va être équipée de capteurs mesurant en temps réel la température de l’huile, le tremblement, et comptabilisant le nombre de mouvements réalisés par le robot.

Les données recueillies seront traitées et triées par un logiciel qui alerte immédiatement la maintenance d’une anomalie, pour qu’elle répare avant la panne. Coût de l’opération : 10 000 euros. Petit à petit, tous les robots de CFT Industrie vont être équipés.

Le sens du timing

À l’automne 2018, la moitié des 220 dirigeants industriels interrogés par le cabinet d’audit KPMG et le média en ligne Usine digitale, déclaraient avoir mis en place un plan d’actions en maintenance prédictive*. « Dans un ou deux ans, anticipe Jacques Duysens, enseignant-conseiller à l’École supérieure d’ingénieurs Léonard-de-Vinci (ESILV), tout le monde s’y sera mis. Car tout l’enjeu en matière de maintenance est d’intervenir au bon moment. Si on intervient trop tôt en programmant schématiquement des opérations de maintenance, on perd de l’argent car la machine est immobilisée. Si on agit trop tard, après la panne, cela coûte cher aussi. »

Selon une étude mondiale du cabinet McKinsey, la maintenance prédictive fera économiser aux industries plus de 550 milliards d’euros d’ici 2025. Car elle permet de réduire les arrêts de production. Soignées en amont, les machines durent plus longtemps. Conséquence de cette tendance : les besoins de recrutement de techniciens en maintenance prédictive explosent.

Quelles formations ?

Pour devenir technicien en maintenance prédictive, nul besoin de devenir un expert du Big Data et d’aller jusqu’au bac +5. Toutefois, pour s’approprier ces nouveaux outils, il faut comprendre ce que les données peuvent mesurer et comment les utiliser. C’est pourquoi les BTS Maintenance des systèmes de production, Électro-technique ou Conception et réalisation de systèmes automatiques se sont ouverts à ces nouvelles thématiques. Aujourd’hui, les étudiants apprennent ainsi à « exploiter les informations recueillies », à « définir et planifier la maintenance préventive » et à « mettre en œuvre le plan de maintenance préventive ».

De "pompier" de service à expert

Sébastien Papillon, technicien en maintenance chez MDP, site situé à La Ferté-Macé (Orne), 19 ans d’expérience, voit son métier se transformer. « Chez mon premier employeur, on faisait les pompiers. Avec la maintenance prédictive, non seulement on agit avant, mais on a une vision globale de l’état des machines. Quand un moteur lâche, par exemple, bien sûr il faut changer une pièce, mais avec les données recueillies par les capteurs, on peut identifier la cause de l’usure. En amont ou en aval un élément défectueux, comme une fuite, a pu contraindre le moteur à compenser », explique-t-il.

Pour remplir ces nouvelles missions, le technicien doit maîtriser ces nouveaux outils, sans pour autant devenir un geek. « Dans le futur, certes il y aura moins de mécanique pure et de grosses pannes », pressent Thomas Anne, étudiant en première année de BTS Maintenance des systèmes de production, à Caen. « Néanmoins, le technicien devra intervenir pour les petites pannes, et entretenir les robots. Et donc savoir se servir d’une clé de 12 ». Un trait d’union entre savoir-faire à l’ancienne et nouvelles compétences technologiques.

* Enquête réalisée en ligne entre le 31 juillet et le 30 septembre 2018, auprès d’un panel de 220 directeurs d’industries réalisant un chiffre d’affaires de moins de 20 millions d’euros par an à plus de 500 millions.

L’usine du futur de Latécoère

À Montredon, le soleil n’est pas levé, quand les opérateurs arrivent à l’usine de Latécoère, spécialisée dans la production de portes d’avion. Ils contrôlent le travail effectué par les robots en leur absence.

Les pièces sont-elles de bonne qualité, ou présentent-elles une trace ? Auquel cas, ils changent une lame dans une machine. Puis, ils donnent aux robots et machines les instructions pour la journée. Les allers-retours pour aller chercher la matière première stockée au fond de l’usine, c’est fini. Les robots s’en chargent. Les journées passées au pied de la machine, plus besoin, elles sont autonomes et peuvent fonctionner pendant 18 heures d’affilée.

« Il s’agit d’être en mesure de produire 24h/24, pour réduire le temps de cycle de production à trois semaines contre trois mois auparavant », explique Jean-Michel Tremoulet, directeur de la stratégie industrielle pour le groupe.

Et de supprimer des postes ? Au contraire. Entre 2018 et 2020, date de la fin de la transformation du site, 40 techniciens supplémentaires auront été recrutés : des opérateurs, des chaudronniers, des techniciens en maintenance et des ingénieurs en production. Il y aura toujours besoin d’hommes pour dire aux robots quoi faire et contrôler la qualité de leur travail.

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