Géopolitique
Tout comprendre aux plans Biden en 5 questions
Depuis son arrivée à la Maison Blanche, Joe Biden a présenté plusieurs plans pour “sauver” l’économie américaine. De quels plans parle-t-on ? Constituent-ils réellement une rupture ? Pourquoi les compare-t-on au “New Deal” de Roosevelt ? On vous explique tout, en 5 questions.
Stéphanie Bascou
© Leigh Vogel - Pool Via Cnp/ZUMA
“Plan colossal”, “Retour de l’État-providence”, “nouveau New Deal”, “fin de l’ère Reagan”… Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire les différents plans d’aide à l’économie américaine proposés par Joe Biden, le nouveau Président des États-Unis.
Après un premier plan de “sauvetage” de 1900 milliards de dollars voté mi-mars, le Président veut “réimaginer et construire une nouvelle économie”, a-t-il expliqué, lors de la présentation de son deuxième plan de “reconstruction” fin mars. Des milliards de dollars seront injectés dans de nombreux secteurs, si ce texte parvient à être voté.
Ces plans, et sa conception de l’économie, sont-ils réellement en rupture avec ceux de Trump et de ses prédécesseurs ? Pourquoi évoque-t-on un “nouveau New Deal” ? Que contiennent ces plans et comment vont-ils être financés ?
Dans moins de 10 minutes, vous aurez tout compris.
Combien de plans de sauvetage de l’économie pour Biden ?
Les États-Unis, comme le reste du monde, subissent de plein fouet la crise sanitaire et économique. En 2020, 9 millions d’emplois ont été détruits.
Après les mesures d’urgence votées sous Donald Trump (pour 3 000 milliards de dollars), Joe Biden a fait adopter mi-mars un autre plan de relance - son premier - de 1900 milliards de dollars, le Covid Relief Act (Plan de réponse au Covid) qui s’applique immédiatement.
À titre de comparaison, l’Union européenne a mis en place un seul et unique plan de sauvegarde de 750 milliards d’euros l’année dernière dont les fonds n’ont toujours pas été débloqués.
Mais le 46e Président ne s’est pas arrêté là. Joe Biden a présenté le 31 mars un deuxième plan d’investissements à long terme qui fera l’objet de nombreuses tractations au Sénat et à la Chambre des représentants.
Appelé l’American Jobs Plan (Plan pour des emplois américains), il s’étale cette fois sur 8 ans, et mobilise 2 250 milliards de dollars. Joe Biden a également brossé à gros traits son futur troisième plan de 1 000 milliards de dollars pour investir dans les “infrastructures humaines”.
Il existe donc trois plans Biden, en plus des plans déjà très conséquents votés l’année dernière à la fin du mandat Trump.
En quoi les plans Biden constituent-ils une rupture ?
“Il n’est pas question de reconstruire le monde tel qu’il était (avant le coronavirus)”, explique Joe Biden le 31 mars avant d’ajouter : il faut “réimaginer et reconstruire une nouvelle économie”.
S’il a mis en place, comme son prédécesseur Donald Trump, des aides directes aux ménages américains et des baisses d’impôts, Joe Biden a clairement annoncé vouloir faire plus, en “investissant comme nous ne le faisons plus depuis que nous avons construit les autoroutes entre les États fédérés et que nous avons gagné la course vers l’espace”.
Si ce projet est voté, il serait alors le premier Président depuis Roosevelt à investir massivement dans les infrastructures, c’est-à-dire à injecter de l’argent directement dans la construction de routes, de ponts, mais aussi dans l’éducation, dans l’industrie.
“Investissement d’une génération […] le plus grand plan pour l’emploi depuis la Seconde Guerre mondiale”, précise Joe Biden qui ajoute : il permettrait de créer “des millions de bons emplois”.
Pourquoi compare-t-on Biden à Roosevelt ?
Aux États-Unis, si on schématise, les présidents ont appliqué deux politiques opposées en matière de gestion de l’économie. D’abord ceux qui pensent que l’État fédéral doit avoir un rôle actif, comme pendant la période du New Deal qui a suivi le krach boursier de 1929 et la Grande Dépression des années 30.
Pour lutter contre cette crise financière, le Président Franklin Delano Roosevelt va intervenir en réformant le système bancaire, en limitant la production agricole pour que les cours remontent, et en menant une politique de grands travaux dans tout le pays.
À l’autre extrémité, on retrouve un autre Président américain, cette fois dans les années 80, Ronald Reagan, pour qui “le gouvernement n’est pas la solution, mais le problème”.
Il faut, selon lui, intervenir le moins possible dans une économie qui va se réguler par elle-même. Il réclame la fin du “big government" (État obèse).
Des années 80 à aujourd’hui, pour de nombreux analystes, tous les Présidents américains se sont inscrits plus ou moins résolument dans la continuité de ce néolibéralisme, jusqu’à ce deuxième plan Biden.
Le 46e Président serait en rupture avec cette conception de l’économie avec sa volonté de mettre en place de grands programmes. Joe Biden est-il pour autant un nouveau Roosevelt ?
“Il dit surtout : les principes de Thatcher, les principes de Reagan, c’est fini. Il faut prendre un tournant presque français, il faut avoir un État efficace, capable de mener des grands programmes pour une société plus égalitaire”, nuance le directeur du bureau parisien du New York Times Roger Cohen au micro de France Inter ce 13 avril 2021.
Et puis les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes, rappelle l’économiste Daniel Cohen : “le New Deal, c’était 6 % du PIB chaque année, contre moins de 1 % pour le 2e plan Biden”.
Que contiennent concrètement ces plans de sauvetage de l’économie ?
Biden fixe trois objectifs aux plans de relance : mettre en place des aides directes aux ménages en difficulté, taxer les entreprises et les ménages les plus aisés, un État fédéral plus interventionniste.
L’American Rescue Plan Act pour pallier au plus urgent
Avec son premier plan de 1900 milliards de dollars, un montant qui représente 10 % du PIB américain, une aide d’urgence a été allouée. Les Américains dont le salaire annuel ne dépasse pas les 80 000 dollars (soit 67 145 euros) vont recevoir jusqu’à 1 400 dollars par personne.
Les ménages avec enfants vont bénéficier d’aides fiscales, les allocations-chômage vont être légèrement augmentées. Outre les particuliers, ce plan octroie des aides aux États fédérés et aux collectivités locales (à hauteur de 350 milliards de dollars), aux écoles ; et enfin un plan de vaccination contre le Covid-19 a été enclenché.
L’American Jobs Plan pour mieux reconstruire le monde d’après
Le second plan, qui n’est pas encore voté, est un plan d’investissements dans les infrastructures de 2 250 milliards de dollars (soit 1917 milliards d’euros) appelé l’American Jobs Plan qui s’échelonnera sur les huit prochaines années. Le but, “reconstruire en mieux” et “générer des millions de bons emplois”.
Barack Obama, puis Donald Trump avaient tenté de faire voter la rénovation de toutes les routes, les ponts, les rails construits dans les années 50 à 70 et qui n’ont pas été entretenus. 620 milliards sont donc prévus pour reconstruire ces infrastructures, et développer le véhicule électrique. Le plan alloue aussi 100 milliards aux réseaux électriques et de distribution d’eau.
Mais le texte ne se limite pas à de grands travaux de rénovation : 400 milliards de dollars sont dédiés aux soins à domicile pour les personnes âgées et souffrant d’un handicap ; 210 milliards de dollars sont prévus pour construire et rénover les logements.
Le plan vise aussi à améliorer l’accès à Internet et à accélérer la transition énergétique. Il veut investir dans la recherche à hauteur de 180 milliards, avec en ligne de mire, la Chine, l’adversaire qu’il faut “supplanter”.
Enfin, 300 milliards de dollars seront aussi investis pour rééquiper et relancer les fabricants américains.
Un troisième volet sera présenté à la mi-avril. Il devrait comporter des mesures de lutte contre les inégalités de race et de genre.
Comment Biden peut-il financer ses plans ?
Biden compte financer ces plans en augmentant la fiscalité sur les plus riches. Son objectif est d’augmenter les impôts sur les sociétés et de taxer un peu plus les plus aisés.
Alors que le taux d’impôt sur les sociétés était passé de 35 % à 21 % pendant le mandat de Donald Trump, Biden souhaite le remonter à 28 %, une hausse qui permettrait, selon lui, de générer 1 000 milliards de dollars de recettes supplémentaires sur quinze ans.
Le Président souhaite également que les sociétés américaines faisant des bénéfices à l’étranger paient des impôts au Trésor américain. Il veut aussi mettre en place une taxe mondiale sur les multinationales.
La hausse des impôts sur les sociétés fera certainement l’objet de nombreuses tractations quand le texte passera au Sénat et à la Chambre des Représentants, tant du côté de sa majorité démocrate que de l’opposition républicaine.
Neil Bradley, un responsable de la chambre de commerce américaine, a déjà critiqué cette hausse car elle rendrait le pays “moins compétitif”.
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