« Ce professeur, je ne l’ai jamais oublié. Il m’a fait comprendre que l’école n’était pas contre moi, que l’école, à travers lui, m’écoutait », se souvient l’acteur et réalisateur Jacques Weber1. Une majorité d’entre nous garde en mémoire un(e) professeur(e) remarquable.
Pour certains, c’est même allé plus loin. Un prof épatant leur a transmis la vocation et une approche noble du rôle du métier d’enseignant. « Mon but est de transmettre des connaissances et des savoirs, de former des esprits critiques, et de permettre aux jeunes de se développer en tant qu’être humain et citoyen », confie Claire, professeure agrégée de lettres modernes dans un lycée parisien ayant 15 ans de métier.
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Mais cet idéal, s’il apporte l’énergie et la motivation, crée aussi des frustrations, car il se cogne aux réalités de l’exercice du métier. Pendant l’année scolaire 2020-2021, 1 554 enseignants du primaire et du secondaire ont démissionné, contre 364 pour l’année 2008-20092.
Qu’est-ce qui en pousse certains à se détourner du métier et d’autres à continuer ? Quelles sont les bonnes raisons pour choisir ce métier ?
Raison n° 1 : l’envie de transmettre, avant l’amour de la discipline
Un professeur de collège et de lycée est spécialiste d’une discipline qu’il enseigne (18 heures par semaine pour les titulaires du Capes et 15 heures pour les profs agrégés) à des classes de 25 à 30 élèves. « J’ai toujours été passionné d’histoire. Peu de métiers me permettent de nourrir mes connaissances et ma curiosité », explique Antoine, professeur stagiaire d’histoire-géographie.
C’est également l’amour de la littérature qui a conduit Claire vers le métier. Mais « il ne suffit pas d’être bonne dans sa matière pour être prof. Il faut s’adapter à ses élèves et parvenir à les intéresser pour qu’ils en retirent quelque chose », prévient-elle.
Il n’est pas rare que Claire se retrouve face à des élèves n’ayant jamais ouvert un livre. Pour les amener à la littérature, elle passe par le cinéma. Elle les pousse aussi à s’interroger sur les motivations des personnages et leur montre que les questionnements abordés dans des classiques vieux de plusieurs siècles résonnent encore aujourd’hui.
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Antoine, de son côté, use des jeux de rôles. Rejouer le procès de Louis XVI, permet, selon lui, non seulement de mieux retenir un événement, mais aussi de comprendre vraiment ce qui s’y est joué. Nina Gutierrez, professeure agrégée de SES, utilise des extraits de journal télévisé pour montrer à ses élèves que les notions apprises en classe sont autant de clés pour décrypter l’actualité.
Raison n° 2 : un métier chronophage, mais la liberté de s’organiser
« Pour une heure en classe, il faut compter une heure à la maison et la moitié des vacances à préparer les cours et corriger les copies. Plus on est jeune dans le métier, plus ce temps est important », indique la professeure de SES.
À cela s’ajoutent les réunions pédagogiques, les rendez-vous avec les parents et les tâches administratives. Le métier est chronophage, mais riche. « J’ai quitté le conseil car je passais mes journées derrière un ordinateur. Là, ce n’est pas le cas. Même s’il m’arrive de travailler le week-end, j’apprécie la liberté qui m’est donnée d’organiser mon temps de travail et de concevoir mes cours », ajoute-t-elle.
Certes, les enseignants sont tenus de suivre le programme scolaire, mais celui-ci est énoncé seulement dans les grandes lignes. « Nous choisissons comment transmettre les notions et quels supports nous allons utiliser pour le faire », abonde Antoine, le professeur d’histoire-géographie.
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Raison n° 3 : savoir goûter les victoires
Les frustrations dans le métier existent néanmoins. Il y a les programmes trop chargés, les classes de plus de 30 élèves « ne permettant pas d’aider ceux qui en ont le plus besoin », pointe Antoine, ou ce temps perdu à rétablir le calme dans la classe.
Il y a aussi les désillusions lors de la correction de copies : « C’est tout ce qu’ils ont retenu de mes cours ! » se lamente parfois Claire. Il y a, enfin, les salaires assez faibles, les carrières lentes et cette hiérarchie martelant depuis des années le même message : faites mieux avec moins.
Ce qui fait tenir les profs, ce sont les « moments magiques » avec les élèves leur rappelant pourquoi ils ont choisi ce métier. « L’actionnariat public passionne les élèves. Je sors d’une heure de cours avec une classe de seconde. Ils ont posé 50 questions sur le sujet. Nous devions y passer deux minutes, nous avons débattu pendant une demi-heure. C’était incroyable », conclut, enthousiaste, la prof de SES.
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1. Extrait de Lettre à ce prof qui a changé ma vie, dans lequel 40 personnalités se souviennent d’un professeur qui a changé leur vie (Pocket, 2020), paru quelques mois après l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie.
2. Chiffres fournis par l’Éducation nationale.