Economie

Vétérinaire, pour l’amour des animaux

Ce « super-médecin » des animaux – à la fois généraliste, chirurgien et spécialiste – exerce un métier à la fois passionnant et très exigeant.

Lucile Chevalier
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Illustration de l'article Vétérinaire, pour l’amour des animaux

© Getty Images

Thibaut Hintzy, 50 ans, en combinaison d’agriculteur et grandes bottes en caoutchouc, débute une journée ordinaire. « Je visite un ou deux élevages de bovins pour le suivi de reproduction. Ensuite, j’irai voir un autre troupeau pour le parage (soin des pieds) et j’en profiterai pour faire un audit de l’étable », explique le vétérinaire, responsable du pôle rural et associé à la clinique de Gonneville-la-Mallet, en Seine-Maritime.

Il ira voir où dorment les vaches, si elles ont suffisamment de place, comment est ventilé le bâtiment, s’il y a des tapis au sol. Il regardera aussi où se passe la traite, demandera à l’éleveur combien de temps elle dure. Il s’enquerra également de leur alimentation, qui joue un rôle dans la qualité de la corne. « Le bien-être animal est primordial. Une vache en souffrance est moins performante », explique-t-il. Enfin, il se rendra dans une autre exploitation pour soigner un problème pulmonaire chez des veaux.

« C’est toujours et jamais pareil », décrit-il et c’est ce qu’il aime, comme la majorité de ses homologues, d’ailleurs. Interrogés sur les aspects positifs de leur profession1, ils citent spontanément la diversité de l’activité et des métiers.

Plein de métiers, plusieurs métiers dans la journée

Le plus connu est celui de praticien, autrement dit docteur des animaux. « Mais il y en a beaucoup d’autres : enseignant-chercheur, vétérinaire dans le privé en laboratoire pour des industries pharmaceutiques, ou agroalimentaires ou dans le public dans le corps technique d’inspecteurs de la santé publique vétérinaire », souligne Caroline Boulocher, directrice de l’école vétérinaire UniLaSalle, près de Rouen. La pratique clinicienne reste néanmoins très majoritaire : près de neuf vétos sur 10.

D’après les chiffres de l’Ordre des vétérinaires, 70,9 % soignent exclusivement ou principalement les chiens, chats, titis et autres animaux de compagnie ; 17,3 % s’occupent, comme Thibaut Hintzy, des animaux d’élevage. « Le rapport avec le propriétaire n’est pas le même. Un animal de compagnie est perçu comme un membre de la famille. Un troupeau est pour l’éleveur son outil de travail, il a un objectif de rentabilité, il est moins sujet au biais anthropomorphique », indique le docteur Hintzy.

Le vétérinaire des champs conseille l’éleveur pour l’aider à améliorer la santé, le bien-être et la performance du troupeau. Quand le vétérinaire des villes s’occupe de l’animal dans son individualité. Il passe de la salle de consultation – où il vaccine les matous, soigne la plaie infectée de Médor ou la maladie du bec et des plumes d’un piaf de compagnie – au bloc opératoire. « Il exerce plusieurs métiers dans la même journée », résume la directrice de l’école UniLaSalle.

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Attention au stress

Avoir un animal de compagnie, c’est bon pour la santé mentale, comme l’a encore confirmé récemment une étude des chercheurs du Centre médical de l’Université du Michigan. Soigner les bêtes, en revanche, s’avère épuisant, stressant et très lourd psychologiquement. Une étude (glaçante), parue en juin dernier, lève le voile sur une profession très idéalisée. On y apprend notamment que 23,2 % des vétérinaires, au cours des 12 derniers mois, ont parfois eu des pensées suicidaires ; 4,8 % y songent même très souvent.

C’est deux fois plus que les professionnels de la santé (humaine) et trois à quatre fois plus que la population en général. Ils sont aussi plus sujets au burn-out. L’indice d’épuisement émotionnel chez les vétérinaires est 1,2 fois supérieur à celui des agriculteurs et 1,5 fois plus élevé que dans la population.

Les causes de ce mal-être ? Tout d’abord la charge de travail. Viennent ensuite la peur de l’erreur, le travail morcelé (sensation de devoir régulièrement interrompre son travail pour répondre aux imprévus), mais aussi les tensions avec les collègues. Mentionnons enfin les craintes financières, le fait d’être confronté à la détresse des animaux et de leur maître, et la peur d’être blessé.

Ce métier est fait pour vous si vous aimez apprendre sans cesse, si vous avez une bonne capacité d’analyse et l’estomac bien accroché.

Un sur trois part avant 10 ans

« Le vétérinaire est une sorte de super-médecin : à la fois généraliste, chirurgien et spécialiste (cardiologue, ophtalmologue) pour tous les animaux et toutes les races. Car chaque race a ses pathologies. Par exemple, un teckel sera particulièrement vulnérable aux problèmes lombaires. C’est un métier très riche, que je recommande aux esprits analytiques », ajoute-t-elle. Les adeptes de cette gymnastique intellectuelle ne risquent pas de s’ennuyer avec la pléthore de diagnostics à poser.

Et c’est peut-être un des risques du métier. Beaucoup se laissent happer. Les journées sont longues, les semaines aussi avec les astreintes et les formations pour se maintenir à jour. Et le soir, arrivé à la maison, on se refait le film de la journée. Le métier passionne, mais il épuise.

Selon l’Ordre, un tiers des vétérinaires quittent la profession après moins de 10 ans d’exercice. Ces départs précoces trouvent aussi leurs origines dans une vision idéalisée du métier. « Dans les lettres d’admission que nous recevons, les mêmes phrases reviennent : “Je fais de l’équitation, donc je vais être vétérinaire” ; “j’aime beaucoup les animaux” ou “je veux sauver les bêtes”. Mais être vétérinaire, c’est être confronté à la souffrance de l’animal, à la mort et au stress », rétablit la directrice d’UniLaSalle.

« Il y a des cas douloureux, où on pourrait soigner, mais où pour des raisons de coût, le propriétaire décide de ne pas le faire », ajoute le docteur Hintzy. L’autre désillusion est financière. Malgré les années d’études, les salaires ne volent pas très haut. Quand Pauline a montré fièrement son premier bulletin de paie à ses parents, sa mère s’est interrogée : « Rassure-moi, c’est la paie pour 15 jours ? ». Quant à son père, il lui a demandé de lui rappeler pourquoi ils lui avaient financé six ans d’études.

Source

1. Thèse vétérinaire « Analyse des sorties volontaires du tableau de l’Ordre des vétérinaires âgés de moins de 40 ans : caractérisation des sortants et identification des causes de retrait », Louis Victorion, 2018.

Quelle(s) formation(s) ?

En France, il existe cinq écoles (quatre publiques : Alfort, Toulouse, Nantes et Lyon et une privée, à Rouen) délivrant, à l’issue de cinq ou six années de formation théorique et clinique le diplôme d’État de docteur vétérinaire. On y rentre sur concours, soit après le bac depuis 2021, soit après une classe préparatoire Biologie, chimie, physique et sciences de la Terre (BCPST). La concurrence est rude. En 2021, 6 000 élèves de terminale ont émis le souhait d’intégrer une école vétérinaire pour 160 places. Les frais de scolarité sont aussi élevés : autour de 2 500 euros par an pour les écoles publiques et de 13 000 euros à 17 500 euros par an pour le privé. Des systèmes de bourse existent néanmoins.

Option à choisir au lycée : SVT + Physique-chimie.

Salaires

Un employé débutant (0-3 ans d’expérience) gagne au minimum 1 762 € net après impôts. Un vétérinaire salarié confirmé touche 2 384 net après impôts. (Source : salaires minimums fixés par la convention collective)

Un vétérinaire en libéral gagne en moyenne 4 517 € net par mois. Le premier quartile est à 1 704,75 € par mois et le dernier à 9 514,92 €. (Source : les statistiques de l’Union nationale des associations agréées sur les professions libérales)

Pour aller plus loin

Le film Les Vétos, de Julie Manoukian (2019), avec Clovis Cornillac et Noémie Schmidt.

Le site du Conseil de l’ordre des vétérinaires (www.veterinaires.fr), avec notamment l’atlas démographique 2022 de la profession.

Le blog Vet’side, créé par Pauline Lavoisier et Marie Dunand, deux vétérinaires.

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