Le cas de 2008
Néanmoins, certains économistes jugent que ces politiques n’ont pas d’effet sur l’emploi en période de récession car, dans cette situation, il y a un manque de débouchés pour les biens produits par les entreprises. Elles n’embaucheront donc pas de personnel supplémentaire et les exonérations de cotisations permettraient simplement aux chefs d’entreprise d’augmenter les salaires.
Une étude portant sur la récession particulièrement sévère ayant suivi la grande crise financière de 2007-2008 prouve que ce jugement est erroné. Réduire le coût du travail des personnes peu qualifiées, cela crée des emplois en toutes circonstances, car il y a toujours des besoins insatisfaits.
Coût du travail
Le coût du travail global est défini comme l’ensemble des salaires bruts (salaires nets et cotisations sociales salariales) et des cotisations sociales versées par les employeurs. C'est ce que dépense l'entreprise pour tous ses travailleurs.
Entre décembre 2008 et décembre 2009, la France a mis en place un dispositif dit « zéro charges » qui supprimait les cotisations patronales pour les entreprises de moins de 10 salariés pour toute embauche (ou renouvellement d’un CDD de plus d’un mois) d’un salarié rémunéré à moins de 1,6 Smic.
Cette suppression représentait une baisse d’environ 12 % du coût du travail au niveau du Smic, c’était donc un « choc » important. L’exonération diminuait ensuite avec le salaire pour s’annuler à 1,6 Smic. Elle s’appliquait pendant un an à compter de la date de l’embauche, elle était donc temporaire.
Salaire minimum
Salaire horaire en dessous duquel un salarié ne peut être rémunéré.

Après la mise en place du dispositif « zéro charges », la croissance de l’emploi est plus forte dans les entreprises de petite taille (de six à neuf employés) que dans les entreprises de taille moyenne (entre 10 et 14 employés) alors qu’avant la mise en place de ce dispositif, il n’y avait pratiquement aucune différence.
L’impact du dispositif « zéro charges » a été évalué en comparant l’évolution des entreprises dont l’effectif était compris entre six et neuf salariés en novembre 2008 – et qui pouvaient donc bénéficier de ce dispositif mis en place en décembre 2008 – avec celle des entreprises dont l’effectif se situait entre 10 et 14 employés au même moment et qui, elles, n’ont pas pu profiter de ce dispositif.
Cette comparaison est légitime, car les entreprises se situant juste au-dessus et juste en dessous du seuil de 10 salariés ont sensiblement les mêmes logiques économiques.
D’éventuelles différences dans leurs évolutions sur une assez courte période avant et après la mise en place du dispositif « zéro charges » peuvent donc être attribuées en majeure partie à ce dispositif dont bénéficient les unes, mais pas les autres. Le graphique montre ainsi que les effets du dispositif se font sentir très rapidement.
Avant son introduction, les « petites » firmes et les firmes « moyennes » suivent des trajectoires en termes d’emploi à peu près parallèles. Mais dès la mise en place du dispositif, l’emploi commence à croître plus vite dans les « petites » firmes et ceci se prolonge tout au long de l’année 2009. L’emploi dans ces entreprises s’avère particulièrement sensible au coût du travail pour les rémunérations proches du Smic : l’estimation chiffrée fournie par cette étude précise qu’une réduction du coût du travail de 1 % à ce niveau de salaire accroît l’emploi de 2 %.
Coût brut/coût net
Pour juger de l’efficacité du dispositif « zéro charges » il faut aussi donner une évaluation de son coût. En rapportant le nombre d’emplois créés dans le groupe des entreprises ayant utilisé le dispositif « zéro charges » au montant total des allégements de cotisations dont elles ont bénéficié, l’étude estime que le coût par emploi créé s’élève à environ 60 % du coût du travail annuel pour un emploi rémunéré au Smic.
Ce chiffre est élevé, car une grande partie des embauches auraient eu lieu de toute façon, même en l’absence de ce dispositif, à cause des mouvements habituels de la main-d’œuvre au sein des entreprises (c’est l’effet dit « d’aubaine »).
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Mais le calcul ne s’arrête pas là, car ce coût est brut. Il faut aussi tenir compte des gains réalisés grâce aux créations d’emplois qui se traduisent en collecte future de cotisations et en réduction des transferts sociaux (les allocations chômage, en particulier).
L’étude estime que ces gains sont du même ordre de grandeur que le coût brut pour un salarié rémunéré au salaire minimum. Le coût net de la création d’un emploi par le dispositif « zéro charges » se situe donc aux alentours de zéro.
Et même les emplois qualifiés…
À l’aide d’un échantillon de 90 000 entreprises, une étude a évalué l’impact des exonérations de cotisations sociales introduites en 1995 et 1996 et s’élevant à près de 20 % du Smic. Ces exonérations auraient ainsi créé ou sauvegardé entre 255 000 et 670 000 emplois, dont environ la moitié d’emplois qualifiés.
Or, ce type d’emploi n’était pas concerné par les abaissements de charges. Deux phénomènes se conjuguent pour expliquer ce résultat. D’une part, l’embauche de travailleurs peu qualifiés contribue à améliorer l’efficacité des travailleurs qualifiés et, d’autre part, la réduction globale du coût du travail améliore la compétitivité des entreprises.
Elles gagnent ainsi des parts de marché et recrutent à la fois des travailleurs non qualifiés et qualifiés.